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samedi 18 juin 2011

Psychose

GAME OF THRONES
BAELOR (1.09)

La toute première saison de Game of Thrones, adaptation pour HBO de la série de livres épiques d'heroic fantasy de George R. R. Martin, arrive à son terme. Je regrette vraiment de ne pas avoir écrit sur toute cette saison, mais j'avais fait ce choix délibérément puisque je lisais le livre parallèlement à mon visionnage de la série. A présent que je n'ai plus rien à lire, et que j'attends avec, très peu, je dois l'admettre, de patience ma commande des livres suivants, je peux en parler librement. Et ça tombe bien, étant données les clameurs de rage et de désespoir qu'a suscité l'avant-dernier épisode de cette saison après sa diffusion.
 
Cette review est à éviter à tout prix si vous n'avez pas vu l'épisode ou que vous n'avez pas encore regardé la série. Même si vous vous moquez de ne pas être spoiler free, sérieusement, détournez les yeux, allez faire autre chose, ou commencez carrément Game of Thrones. Cela vaut mieux pour tout le monde. 


Tout d'abord, puisque je n'ai encore jamais vraiment rien écrit sur cette série, je voudrais dire quelques mots dessus, en général. Elle me plaît. Elle me plaît énormément. C'est toujours satisfaisant de tomber sur une série qui parvient à allier la beauté visuelle, un cast varié et solide, une écriture subtile flirtant par moments vers le magnifique, tout en étant un plaisir à regarder. Game of Thrones, c'est de la telefantasy, traitée comme un luxueux et sophistiqué drama familial. La série a un petit peu été annoncée dans sa campagne de pub comme étant les "Sopranos en Terre du Milieu" et ce n'est pas faux. C'est une formule, et comme toutes les formules elle est restrictive, mais elle résume bien mon affection pour la série.

Je regarde des séries variées, tant en genres que qualitativement. Je regarde des séries qui me font rire ou qui me font pleurer, d'autres qui sont des guilty pleasures ou qui sont brillantes et me font réfléchir. Breaking Bad ou Mad Men vont satisfaire mon intellect de spectatrice. Doctor Who et Misfits plairont à mon inner!geek. Glee ... cultivera mon masochisme ? Toujours est-il que je retire généralement quelque chose de mes différentes expériences télévisuelles. Mais il n'est pas si fréquent qu'elles parviennent à converger.

Game of Thrones se place sur un créneau rare puisqu'elle attire la geek (Des Chevaliers ! Des Royaumes Imaginaires ! Des Dragons ! De la Magie ! Des Zombies !) tout en m'épatant par sa qualité, et son intelligence. La série est belle à regarder, les acteurs délivrent parfaitement des tirades brillantes et des dialogues intenses. De semaine en semaine je me retrouve passionnée par les intrigues politiques, les conspirateurs et leurs double-jeux, les stratégies militaires intriquées avec les destins familiaux, les questionnement identitaires, les rivalités et vieilles haines. Je suis, en somme, comblée de tous les côtés.

Le plus extraordinaire, c'est qu'avoir lu le premier roman au préalable, n'a gâché en rien mon expérience en découvrant la série. Elle se suffit à elle-même. J'ai eu beau connaître tous les points d'intrigues et retournements de situation, l'alliance de l'image, de la musique et d'acteurs crédibles donnant vie à ces complexes personnages créés par Martin, accroche. Tout nous entraîne dans cet univers, et on prend beaucoup de plaisir à se laisser capturer.

J'en arrive à l'épisode de cette semaine et à sa puissante scène finale. Je reviendrai sur son impact plus tard, mais je veux juste commencer cette review par saluer bien bas le travail fait par les auteurs/acteurs/réalisateur/compositeur, car ils sont parvenus à rendre ce passage du livre tout aussi poignant, voire plus, que lorsque je l'ai découvert la première fois. C'est déjà formidable.

Sur l'épisode, plus globalement : il était efficace, même si un peu précipité dans le déroulement de ses évènements. Depuis son premier épisode, malgré les nombreuses scènes d'exposition, expliquant le background parfois complexe des très nombreux personnages de cette série chorale, j'ai trouvé Game of Thrones plutôt bien rythmée. La série a toujours pris son temps, et fait parler ses personnages, s'offrant le luxe de donner à ses acteurs des tirades sonnant justes. Mais elle a aussi su gérer son temps, et s'arrêter de parler quand il le fallait, passer à la scène suivante avant de faire languir le spectateur.
Généralement chaque épisode était très fluide. C'était un peu moins le cas dans mon ressenti de l'épisode cette semaine. Il se passe beaucoup de choses, beaucoup d'évènements majeurs, des négociations politico-militaires, des bouleversements d'équilibres, du développement de background personnel de certains personnages, et surtout l'épisode case deux batailles en moins d'une heure. Ce sans compter la spectaculaire scène finale. 

La série adapte son matériel de base très fidèlement (ce que le format série permet après tout ce n'est pas si étonnant quand on voit des adaptations littéraires anglaises, notamment de la BBC mais les USA nous ont habitués à prendre de grandes largeurs dans leurs adaptations, cf Dexter, True Blood, etc.), ajoutant peu de scènes et en modifiant encore moins. Et peut-être est-ce là la raison principale à cette précipitation, les auteurs ne disposant plus que de deux épisodes pour conclure leur saison.

Cela peut aussi venir des deux ellipses consécutives dans une seule et même heure, celles des deux batailles, qui ne sont pas montrées à l'écran, qui donnent l'impression qu'une montée en puissance programmée depuis plusieurs épisodes (peut-être même techniquement depuis le premier épisode quand les Lannisters décident de tuer le jeune Bran Stark) trouve une conclusion trop abrupte. En somme on se prépare à la guerre depuis un moment et en deux minutes Winterfell gagne et Jaime Lannister est fait prisonnier. 


J'ajoute que même si ce choix rend le rythme de l'épisode un peu étrange, je l'approuve. Avec un budget de série télévisée, tenter de reconstituer une bataille à l'écran de façon spectaculaire et crédible est assez illusoire. Ces scènes ne sont pas non plus tellement nécessaires dans la mesure où on comprend tout de même leurs enjeux et leurs dénouements : les Lannisters se sont faits avoir, Robb se réalise en tant que Lord de Winterfell et en tant que guerrier en rusant et piégeant d'autres seigneurs plus expérimentés et Jaime est sous le joug des Stark. Des lignes supplémentaires de dialogues sur l'issue des deux batailles m'auraient tout de même laissé une impression moins ... étroite.

A côté de tous ces évènements, les personnages continuent à être magnifiquement développés. Tyrion a de très grandes scènes exposant l'inimitié entre son père et lui, et nous raconte une histoire humiliante et déchirante de son adolescence. Le statut de Daenerys est menacé alors que son Khal de mari est entre la vie et la mort. On nous donne des nouvelles d'une Arya Stark survivant tant bien que mal dans la rue. Robb Stark s'impose, prend de l'ampleur et du charisme. 

Seul Jon Snow semble stagner dans son intrigue à l'écart de celle des autres, annonçant un futur clash entre le monde du surnaturel et celui des Sept Royaumes, d'autant qu'à l'heure où son frère grandit et devient un Lord, il semble bloqué sur sa crise d'adolescence. Mais ses scènes ont au moins le mérite de nous rappeler que la série baigne tout de même dans le surnaturel, même si celui-ci se fait peu présent, et est rattaché en cela aux rites de sorcellerie dans la partie des Dothraki et Daenerys Targaryen.


Cela dit, le passage maladroit des scènes du Wall et des Dothraki aux autres, est une critique qu'on pourrait faire à quasiment toute la saison (même si la partie de Daenerys commence depuis quelques épisodes à avoir plus d'enjeux par rapport au reste). C'est tout simplement lié à la façon dont est construit le matériel de base, qui en tant que série de livres se permet de poser très tôt des éléments nécessaires mais pour lesquels on ne sera pas récompensés avant un certain temps. Et ce qui passe dans un livre, ne va pas forcément se retranscrire très bien par la suite à l'écran. 

Il s'agit d'une des rares remarques mitigées que je peux dresser contre la série, avec la sur-utilisation de scènes de sexe gratuites (mais là on n'y peut pas grand-chose, c'est sur HBO après tout, s'en offusquer reviendrait à se plaindre d'avoir des adolescents niais sur Disney Channel).

Passons enfin à la dernière scène de l'épisode. Allons droit au but : Eddard Stark se fait exécuter par le roi Joffrey, sous les yeux de ses deux filles. La scène est choquante à plus d'un niveau, déjà tout simplement parce qu'avec ce retournement de situation, G.R.R. Martin nous fait un "Psychose" : vous savez, quand au début du film de Hitchcock Janet Leigh est prise pour le personnage principal du film avant de se faire rapidement tuer dans la fameuse scène de la douche. Difficile de reproduire un pareil évènement dans une série télévisée : elles demandent plus d'investissement que le film pour le spectateur moyen, et elles exigent de fidéliser un public par le biais d'un ou plusieurs forts leads.

La série nous présente depuis le premier épisode Eddard Stark comme étant le protagoniste principal. Toute l'intrigue principale et la plupart des intrigues secondaires partent de lui ou de sa famille. Le personnage est interprété par Sean Bean, un acteur assez connu et respecté et qui est probablement le visage le plus familier de la distribution. Le tuer avant la fin de la première saison, au bout de neuf épisodes, est spectaculaire. C'est pratiquement inédit dans l'histoire de la télévision.

C'est d'autant plus choquant que le personnage avait des portes de sorties. Cersei s'était arrangée, en manipulant Sansa, pour qu'Eddard Stark reconnaisse Joffrey en tant que roi légitime et en échange il devait s'engager au Mur. On nous montre avant cette scène Robb remporter la victoire contre les Lannisters et prendre Jaime otage, situation idéale pour un échange de prisonniers. A ce stade-là, on n'imagine pas qu'Eddard Stark ne puisse retourner auprès des siens. Et pourtant, il meurt.


 Ce qui rend la décision de Joffrey de l'exécuter tout de même encore plus cruelle et repoussante. Toute la scène prend à vrai dire une ampleur splendide considérant tous les scénarii qui auraient dû logiquement conduire à la liberté d'Eddard Stark. Même Cersei, qui est censée être la principale antagoniste dans la série, panique et presse son fils de changer d'avis. Sansa, trahie et perdant sa naïveté, hurle. Eddard, qui avait aperçu son autre fille Arya parmi la foule, se résigne à son destin mais pas avant de s'assurer que Yoren a compris son message et est allé la chercher pour lui cacher ce spectacle. 

La scène est terrible et après la décapitation (avec Ice, l'épée d'Eddard Stark), l'écran noir laisse le spectateur hagard. Je sais que ce retournement a causé un tollé auprès des spectateurs, mais je l'adore. Eddard Stark était pourtant mon personnage favori. J'aimais sa droiture et son honneur. J'aimais sa personnalité rêche et sérieuse. J'aimais sa compassion et ses principes. J'adorais ses scènes avec ses enfants, notamment avec Arya. C'était un personnage sain dans un univers malsain, choisissant encore et toujours d'agir selon ses convictions et sa morale, même quand c'était tactiquement stupide, et je ne pouvais pas lui en vouloir pour ça, parce qu'il était admirable.

Sean Bean l'a interprété avec sobriété et classe, le faisant évoluer subtilement, du Seigneur implacable mais juste de sa première apparition, à l'homme affaibli, épuisé tant physiquement que moralement, dont le dernier acte est de préférer son amour pour sa famille à son honneur. Il me manquera. 


Sur ce, et en attendant un final spectaculaire ...


NOTE : Taste My Tears. Taste My Tears, Michael. 

jeudi 2 juin 2011

True Love

DOCTOR WHO.
THE DOCTOR'S WIFE (6.04)

Parlons un peu d'amour. 

J'ai la dent dure envers la série Doctor Who depuis qu'elle a été reprise par Steven Moffat, pour des tas de raisons déjà citées dans de précédentes reviews. Ces raisons sont toujours plus que valables et d'actualité. Mais ce n'est pas pour rien que je continue à regarder la série. 

J'en suis tombée amoureuse il y a des années, on a eu notre période de lune de miel, nos premières disputes et chagrins (mais nous en sommes ressorties plus fortes), et au fil du temps nous avons perdu l'excitation des premiers jours. Elle a changé. Elle n'est plus vraiment celle que j'ai aimé autrefois. J'ai beaucoup de mal à pardonner sa liaison avec Steven Moffat (mais que trouve-t-elle à ce douchebag sexiste ?). C'en est au point où parfois on se déteste. 

Toutefois je ne peux pas la quitter, parce qu'au fond, je sais qu'elle est toujours celle que j'ai aimée. Je sais, je sais, elle ne sera jamais plus comme avant. Mais je veux croire qu'il y a toujours du bon en elle. Et notre thérapie de couple avec le Dr Neil Gaiman me donne beaucoup d'espoir.

Gaiman, Jones & Smith, Dreamteam ?

Ah, Neil Gaiman. Je ne vais pas mentir : tout comme j'ai des préjugés négatifs envers Steven Moffat avant même de voir ses scripts réalisés sur mon petit écran, j'ai des préjugés très positifs envers Neil Gaiman. C'est juste un auteur que j'aime beaucoup. Un des rares auteurs contemporains que je suis de livre en livre (à part James Ellroy et Bret Easton Ellis, oui, je sais, genres complètement différents) sans me lasser. Il y a juste quelque chose dans ses idées, ses histoires et son univers qui m'attire. 

J'aime ses créations. Je rêve, comme beaucoup de ses fans également friands de la série Doctor Who, qu'il ponde un épisode pour la série depuis des années.On le sait fan de la première heure, et on sait qu'il a redécouvert avec plaisir la série avec sa fille grâce au reboot de Russell T. Davies. Gaiman et Who sont un duo gagnant sur le papier, et rien que l'annonce officielle de cette association m'a vaillamment préparée à affronter la saison 6 de Doctor Who malgré la profonde dépression que la saison 5 de cette dernière avait causé chez moi. Dépression, accompagnée de désaffection.

Et c'est ce sur quoi joue beaucoup cet épisode et le fait fonctionner : l'affection. Car oui, trêve de pseudo-suspens, l'association cosmique de mon auteur fantasy (au sens large du terme) favori et de ma série de telefantasy (au sens large du terme) favorite a tenu ses promesses et j'ai trouvé l'épisode très réussi. Je pourrais citer des tas de raisons sur la qualité intrinsèque de l'épisode, et j'y reviendrai plus bas, mais je dois admettre que ma raison principale de succomber à cet opus est sa façon de jouer sur l'affectif du fan de base de Doctor Who.

The Doctor's Wife, comme son titre l'indique, est un épisode sur une histoire d'amour, l'ultime histoire d'amour de la série : que les Sarah Jane Smith, Master, Romana I ou II, Rose Tyler ou River Song débarrassent le plancher. Le véritable grand amour du Doctor est le Tardis. La série, quoiqu'il lui arrive, sera toujours l'histoire du Doctor et du Tardis, le seul élément qu'aucun showrunner, qu'on vénère ou exècre, ne pourra changer. 

Dans un sens, le Tardis est encore plus immuable dans l'identité de la série puisqu'elle au moins ne change pas. Elle sera toujours une blue police box et si quelqu'un s'avise de changer cela, il ou elle se fera probablement immoler par le feu par une horde de fans enragés plus redoutables qu'une Zombie Apocalypse. Et pourquoi la changerait-on ? N'est-elle pas parfaite telle quelle ? 

Doctor, Meet Your Spaceship. Not Weird. At All.

J'ai toujours aimé le Tardis à l'excès. Je l'ai toujours considérée comme vivante et ayant son propre agenda. Elle a toujours été un personnage à part entière que j'aimais autant que le Doctor ou mes companions favorites. Je la personnifie. D'ailleurs c'est une des raisons qui font que j'ai détesté dans Forest of the Dead (4.09) l'idée du Doctor ouvrant les portes du Tardis en claquant des doigts, parce que je trouvais cela irrespectueux.

J'aime les réactions qu'elle suscite, j'aime les possibilités que son existence entraîne (l'aventure, tout un univers à découvrir), j'aime l'affection que lui montre le Doctor et occasionnellement les companions (je pense notamment à Rose Tyler et Martha Jones). Et j'aime aussi ce qu'elle signifie pour le Doctor, son ultime companion, la plus loyale et celle qui lui a permis de fuir sa planète d'origine et la société affreusement étriquée et indolente des Time Lords. Le Tardis est la racine de la série. Elle est tout pour le Doctor. Elle est donc tout pour le spectateur.

Ainsi l'idée, dans l'épisode de Gaiman, de la personnifier de facto (alors que le fan moyen ou les personnages dans la série ont tendance à déjà le faire plus ou moins consciemment) dans un corps avec lequel le Doctor peut interagir, était forcément fédératrice. Comment résister à la chance de voir le Tardis parler, exprimer ses idées, répondre à certains mystères ? C'est un fantasme de fan, tout comme c'était un fantasme du Doctor. Comme l'a si bien dit Amy dans une de ses seules bonnes répliques de toute son histoire dans la série "Doctor, did you wish really hard ?".

Ce fantasme, réalisé par Gaiman, remplit deux fonctions : c'est non seulement une déclaration d'amour de l'écrivain pour la série, mais aussi un geekasme pour les fans. Imaginez qu'on fasse parler Serenity pour les fans de Firefly, ou l'Impala pour les fans de Supernatural ? Le plus magique c'est que tout le monde s'y retrouve : on peut détester Steven Moffat, ou Matt Smith, ou New Who, ou même Neil Gaiman, au final tous les spectateurs se retrouvent à regarder un épisode dont ils avaient rêvé. 

Peu étonnant que The Doctor's Wife soit l'un des épisodes les plus acclamés de l'histoire de la série. Il risque même de battre Blink (3.10) et il le bat déjà en ce qui me concerne rien que pour l'aspect affectif. C'est un épisode devant lequel tous les fans peuvent se réunir. Cela rappelle aux fans en perdition pourquoi ils aiment ou ont aimé la série. C'est symbolique. Cela nous rappelle les fondements de la série, et pourquoi elle est formidable.

En tout cas, cela me l'a rappelé à moi. Je suis déconnectée de la série depuis la reprise en main de l'an dernier. Parfois j'ai l'impression que Steven Moffat rentre dans ma tête, choisit tout ce que je déteste ou serait susceptible de m'agacer et ensuite mets les idées dans la série. Neil Gaiman fait exactement l'inverse en allant cueillir dans ma petite tête tous mes fantasmes de fan : difficile de discuter la légitimité du Doctor de Matt Smith quand on voit le personnage éprouver autant d'amour que soi pour le Tardis. Même si on désapprouve la ligne du personnage, on se retrouve enfin en terrain familier.

De plus, quand je parle d'idées dont j'ai rêvé et que Gaiman a réalisées, je ne parle pas simplement de la personnification du Tardis dans une femme excentrique (interprétée brillamment par Suranne Jones, allant du fantasque à l'innocence en passant par la tendresse et le truculent avec élégance). Je parle aussi de cette exploration du Tardis, si grand à l'intérieur mais dont on voit rarement plus que la salle de contrôle. Je parle aussi de l'idée du vaisseau se retournant contre ses personnages qui la considèrent comme leur chez eux. Je parle aussi de la confirmation d'une théorie courant chez les fans depuis toujours : celle que le Tardis emmène volontairement le Doctor là où il a besoin d'être, pas là où il veut être. 

Et quel bonheur de voir le Doctor du point de vue du Tardis. J'ai tout adoré, le mélange inapproprié de complicité, de séduction maladroite, de partenariat solide et d'allusions cryptiques au passé/présent/futur (car forcément le passé, le présent et le futur se confondent en elle). J'ai adoré qu'elle l'appelle My Thief, et qu'elle renverse l'anecdote sur leur rencontre : ce n'est plus le Doctor qui a volé un vaisseau pour fuir Gallifrey, c'est le Tardis qui s'ennuyait et voulait découvrir l'Univers et ainsi a dérobé un Time Lord pour arriver à ses fins. Cela confirme mon image du Tardis, comme d'une Lady opiniâtre et curieuse qui fait tout comme bon lui semble et mène le jeu, le Doctor, l'histoire. Doctor Who n'est ainsi plus tellement l'histoire d'un Doctor mais celle d'une Time And Relative Dimension In Space, Type 40 & oh, so Sexy.

L'épisode est un hommage de 45 minutes à la série, aussi bien Classic Who que le New Who, de Moffat bien sûr puisqu'il s'agit de son terrain de jeu, mais aussi du Who de Russell T Davies avec la présence d'un Ood, de l'ancienne salle de contrôle des ères Eccleston/Tennant ou une mention assez salutaire de la Time War. Le manque de références directes à l'ère précédente de Doctor Who ne m'avait pas tellement manqué car pour être honnête je n'en attendais pas et je suis bien vite devenue pointilleuse sur beaucoup (trop) d'autres détails propres au Who de Moffat. 

Evil Ood. Must Be Saturday.

Mais c'est en voyant toutes ces références dans l'épisode de Gaiman que je me rends compte qu'en réalité cela me manquait. Surtout que les dites références ne sont pas gratuites : la présence de la précédente salle de contrôle (ah ! comme ces tons vert X Files m'avaient manqué !) sert au dénouement de l'intrigue pour combattre House, l'entité ayant pris possession du Tardis (le vaisseau, pas son âme dans le corps d'Idris); le Ood est une présence confortable nous raccrochant à la mythologie de la série; et la mention de la Time War, la culpabilité et l'espoir d'un Time Lord survivant est juste un détail de caractérisation et de continuité nécessaire et qui rappelle qui est le personnage du Doctor (surtout quand sa dernière version en date laisse indifférent ou perplexe).

Un épisode familier, donc, mais qui se sert plutôt bien des apports du Who de Moffat. Ainsi The Doctor's Wife est le premier épisode depuis Vincent and the Doctor (5.10) où je n'ai pas eu une seule fois envie de trucider Amy Pond. J'ai tout de même levé un sourcil perplexe quand elle déclare ne pas vouloir laisser le Doctor seul (après qu'il commence à croire à tort que des Time Lords survivants se trouvent sur la planète "hors de l'univers" sur laquelle se situe l'action) parce qu'il était émotif et qu'il faisait des erreurs quand il était émotif. D'une parce que la réplique suggère qu'on a déjà vu ce Doctor être émotif (?) et que d'habitude il ne fait pas d'erreurs (alors que c'est le Doctor le plus incompétent depuis longtemps). 

Hey, Sexy.

En fait toute la façon dont Amy appréhende la potentielle situation dans laquelle se trouve le Doctor est étrange. Dans la série leur relation semble tellement superficielle et inégalitaire qu'on n'imagine pas ce Doctor s'être confié à elle au sujet des Time Lords. Mais c'est honnêtement la seule remarque négative que j'ai à faire sur l'épisode niveau caractérisation. J'ai adoré que le Doctor admette qu'il cherche à être pardonné car c'est une idée (et réplique) simple et puissante. Comme je l'ai indiqué, ses interactions avec le Tardis!Idris étaient réjouissantes. Sa réaction touchante à sa mort et la dernière image douce-amère tout en tendresse du Doctor dans la console ont fait du bien. Enfin un personnage tri-dimensionnel.

Du côté des Ponds c'était également intéressant de se mettre un peu du point de vue d'Amy, quand House utilise le Tardis pour manipuler son esprit et la perdre dans un cauchemar en boucle : la voir imaginer un Rory vieillissant et amer qui l'attend de nouveau pendant 2000 ans et perd la tête, nous donne enfin une vision plus humaine de ce personnage. J'ai toujours trouvé incroyablement difficile de comprendre Amy ou de la trouver attachante, elle semblait manquer d'empathie, de compassion, de profondeur. 

Nous mettre quelques minutes dans son esprit nous permet de réaliser que les évènements du final de l'an dernier la hantent, qu'elle éprouve de la culpabilité. De plus je commence enfin à accepter son amour pour Rory (ce qui avait été tellement mal fait l'an dernier que cela rendait leur mariage parfaitement risible : ironique considérant qu'il était censé être le point d'orgue du final). 

Quant à Rory, il trouve aussi un genre d'évolution dans l'épisode, puisque c'est lui qui mène toute la partie du piège dans le Tardis, prenant les choses en charge, Amy étant complètement inutile et manipulée. Il prend de l'épaisseur et de l'assurance depuis le début de la saison. Cela contribue à rendre Amy toujours aussi tarte, mais au moins son personnage s'enrichit et son monde s'élargit au-delà de son épouse. 

Il continue également à être le seul personnage à éprouver un peu d'empathie, et j'ai adoré la scène où il admet que voir quelqu'un mourir le secouait parce qu'il était infirmier. On remercie Rory pour ça, parce qu'Amy voit des morts, des génocides, des veuves éplorées, etc, et cela ne suscite jamais la moindre réaction chez elle. C'est peut-être ça le grand mystère de la saison : on découvrira dans le final que depuis le début ... AMY ETAIT UN ROBOT. Une nouvelle génération de Daleks. Les Daleks me manquent un peu ...

Caractérisation à part, l'intrigue en elle-même m'a plu. J'ai beaucoup aimé l'idée de la planète "Hors de l'Univers", l'appel de détresse attirant des Time Lords et leurs Tardis comme une sirène (et pour le coup c'était mieux fait que l'épisode précédent, Curse of the Black Pearl Spot, (6.03) tellement anecdotique que je ne prends pas la peine de le reviewer). J'ai aimé les étranges minions de House créés de toute(s) pièce(s) et éphémères. House en lui-même était un bad guy peut-être pas assez marquant, par manque d'exposition (et je ne parle pas pas de présence physique, ce n'est pas nécessaire pour être effrayant, mais je pense qu'il lui manquait quelques scènes).

Tardis, Where Have You Been All My Life ?

Mon seul bémol concerne la partie à l'intérieur du Tardis. Bien sûr dans cet épisode, toute scène sans la présence salutaire de Tardis!Idris semblait être une scène perdue, mais j'avoue être restée sur ma faim concernant l'exploration du Tardis et l'aspect piège labyrinthique dans lequel Amy et Rory tentent de survivre. Certaines scènes étaient vraiment impressionnantes (je pense surtout à celle où Amy découvre un Rory de 2000 ans qui a écrit partout sur les murs "KILL AMY"), mais là encore il manquait de quelque chose. 

Apparemment l'épisode a été coupé de 13 minutes, ce qui est énorme considérant les habituelles coupes minimales faites aux épisodes de Doctor Who et explique à mon avis les légères frustrations rencontrées devant cet épique épisode. Sans doute aurait-il mérité d'être en deux parties, pour que la course-poursuite à l'intérieur du Tardis nous fasse découvrir plus de choses, que les jeux mentaux de House soient plus convaincants et effrayants, et surtout pour qu'on puisse passer plus du temps avec Tardis!Idris.

Je n'ai pas encore vu le prochain épisode, qui est en deux parties, mais j'espère honnêtement ne pas regretter encore plus à la vue de ce double épisode que l'épisode de Gaiman n'ait pas eu plus de temps pour s'étendre. D'après les échos que j'en ai eus, je ne suis pas très confiante, et je pense honnêtement le regarder à reculons. The Doctor's Wife a été diffusé il y a trois semaines, et je fais seulement maintenant ma review. Je tiens à rester sur cette bonne impression. Je reste sur cette assise confortable, et familière, cette déclaration d'amour pour la série qui m'en rappelle les bons côtés à une période où j'ai l'impression de me préparer à une bataille à chaque fois que je commence à regarder un épisode. 

Gaiman, tu peux revenir quand tu veux dans Doctor Who. La porte est grande ouverte et on t'accueillera avec enthousiasme.


NOTE : Neil Gaiman Makes Everything Better. And I Love You Too, Tardis.