GAME OF THRONES
BAELOR (1.09)
La toute première saison de Game of Thrones, adaptation pour HBO de la série de livres épiques d'heroic fantasy de George R. R. Martin, arrive à son terme. Je regrette vraiment de ne pas avoir écrit sur toute cette saison, mais j'avais fait ce choix délibérément puisque je lisais le livre parallèlement à mon visionnage de la série. A présent que je n'ai plus rien à lire, et que j'attends avec, très peu, je dois l'admettre, de patience ma commande des livres suivants, je peux en parler librement. Et ça tombe bien, étant données les clameurs de rage et de désespoir qu'a suscité l'avant-dernier épisode de cette saison après sa diffusion.
Cette review est à éviter à tout prix si vous n'avez pas vu l'épisode ou que vous n'avez pas encore regardé la série. Même si vous vous moquez de ne pas être spoiler free, sérieusement, détournez les yeux, allez faire autre chose, ou commencez carrément Game of Thrones. Cela vaut mieux pour tout le monde.
Tout d'abord, puisque je n'ai encore jamais vraiment rien écrit sur cette série, je voudrais dire quelques mots dessus, en général. Elle me plaît. Elle me plaît énormément. C'est toujours satisfaisant de tomber sur une série qui parvient à allier la beauté visuelle, un cast varié et solide, une écriture subtile flirtant par moments vers le magnifique, tout en étant un plaisir à regarder. Game of Thrones, c'est de la telefantasy, traitée comme un luxueux et sophistiqué drama familial. La série a un petit peu été annoncée dans sa campagne de pub comme étant les "Sopranos en Terre du Milieu" et ce n'est pas faux. C'est une formule, et comme toutes les formules elle est restrictive, mais elle résume bien mon affection pour la série.
Je regarde des séries variées, tant en genres que qualitativement. Je regarde des séries qui me font rire ou qui me font pleurer, d'autres qui sont des guilty pleasures ou qui sont brillantes et me font réfléchir. Breaking Bad ou Mad Men vont satisfaire mon intellect de spectatrice. Doctor Who et Misfits plairont à mon inner!geek. Glee ... cultivera mon masochisme ? Toujours est-il que je retire généralement quelque chose de mes différentes expériences télévisuelles. Mais il n'est pas si fréquent qu'elles parviennent à converger.
Game of Thrones se place sur un créneau rare puisqu'elle attire la geek (Des Chevaliers ! Des Royaumes Imaginaires ! Des Dragons ! De la Magie ! Des Zombies !) tout en m'épatant par sa qualité, et son intelligence. La série est belle à regarder, les acteurs délivrent parfaitement des tirades brillantes et des dialogues intenses. De semaine en semaine je me retrouve passionnée par les intrigues politiques, les conspirateurs et leurs double-jeux, les stratégies militaires intriquées avec les destins familiaux, les questionnement identitaires, les rivalités et vieilles haines. Je suis, en somme, comblée de tous les côtés.
Le plus extraordinaire, c'est qu'avoir lu le premier roman au préalable, n'a gâché en rien mon expérience en découvrant la série. Elle se suffit à elle-même. J'ai eu beau connaître tous les points d'intrigues et retournements de situation, l'alliance de l'image, de la musique et d'acteurs crédibles donnant vie à ces complexes personnages créés par Martin, accroche. Tout nous entraîne dans cet univers, et on prend beaucoup de plaisir à se laisser capturer.
J'en arrive à l'épisode de cette semaine et à sa puissante scène finale. Je reviendrai sur son impact plus tard, mais je veux juste commencer cette review par saluer bien bas le travail fait par les auteurs/acteurs/réalisateur/compositeur, car ils sont parvenus à rendre ce passage du livre tout aussi poignant, voire plus, que lorsque je l'ai découvert la première fois. C'est déjà formidable.
Sur l'épisode, plus globalement : il était efficace, même si un peu précipité dans le déroulement de ses évènements. Depuis son premier épisode, malgré les nombreuses scènes d'exposition, expliquant le background parfois complexe des très nombreux personnages de cette série chorale, j'ai trouvé Game of Thrones plutôt bien rythmée. La série a toujours pris son temps, et fait parler ses personnages, s'offrant le luxe de donner à ses acteurs des tirades sonnant justes. Mais elle a aussi su gérer son temps, et s'arrêter de parler quand il le fallait, passer à la scène suivante avant de faire languir le spectateur.
Généralement chaque épisode était très fluide. C'était un peu moins le cas dans mon ressenti de l'épisode cette semaine. Il se passe beaucoup de choses, beaucoup d'évènements majeurs, des négociations politico-militaires, des bouleversements d'équilibres, du développement de background personnel de certains personnages, et surtout l'épisode case deux batailles en moins d'une heure. Ce sans compter la spectaculaire scène finale.
La série adapte son matériel de base très fidèlement (ce que le format série permet après tout ce n'est pas si étonnant quand on voit des adaptations littéraires anglaises, notamment de la BBC mais les USA nous ont habitués à prendre de grandes largeurs dans leurs adaptations, cf Dexter, True Blood, etc.), ajoutant peu de scènes et en modifiant encore moins. Et peut-être est-ce là la raison principale à cette précipitation, les auteurs ne disposant plus que de deux épisodes pour conclure leur saison.
Cela peut aussi venir des deux ellipses consécutives dans une seule et même heure, celles des deux batailles, qui ne sont pas montrées à l'écran, qui donnent l'impression qu'une montée en puissance programmée depuis plusieurs épisodes (peut-être même techniquement depuis le premier épisode quand les Lannisters décident de tuer le jeune Bran Stark) trouve une conclusion trop abrupte. En somme on se prépare à la guerre depuis un moment et en deux minutes Winterfell gagne et Jaime Lannister est fait prisonnier.
J'ajoute que même si ce choix rend le rythme de l'épisode un peu étrange, je l'approuve. Avec un budget de série télévisée, tenter de reconstituer une bataille à l'écran de façon spectaculaire et crédible est assez illusoire. Ces scènes ne sont pas non plus tellement nécessaires dans la mesure où on comprend tout de même leurs enjeux et leurs dénouements : les Lannisters se sont faits avoir, Robb se réalise en tant que Lord de Winterfell et en tant que guerrier en rusant et piégeant d'autres seigneurs plus expérimentés et Jaime est sous le joug des Stark. Des lignes supplémentaires de dialogues sur l'issue des deux batailles m'auraient tout de même laissé une impression moins ... étroite.
A côté de tous ces évènements, les personnages continuent à être magnifiquement développés. Tyrion a de très grandes scènes exposant l'inimitié entre son père et lui, et nous raconte une histoire humiliante et déchirante de son adolescence. Le statut de Daenerys est menacé alors que son Khal de mari est entre la vie et la mort. On nous donne des nouvelles d'une Arya Stark survivant tant bien que mal dans la rue. Robb Stark s'impose, prend de l'ampleur et du charisme.
Seul Jon Snow semble stagner dans son intrigue à l'écart de celle des autres, annonçant un futur clash entre le monde du surnaturel et celui des Sept Royaumes, d'autant qu'à l'heure où son frère grandit et devient un Lord, il semble bloqué sur sa crise d'adolescence. Mais ses scènes ont au moins le mérite de nous rappeler que la série baigne tout de même dans le surnaturel, même si celui-ci se fait peu présent, et est rattaché en cela aux rites de sorcellerie dans la partie des Dothraki et Daenerys Targaryen.
Cela dit, le passage maladroit des scènes du Wall et des Dothraki aux autres, est une critique qu'on pourrait faire à quasiment toute la saison (même si la partie de Daenerys commence depuis quelques épisodes à avoir plus d'enjeux par rapport au reste). C'est tout simplement lié à la façon dont est construit le matériel de base, qui en tant que série de livres se permet de poser très tôt des éléments nécessaires mais pour lesquels on ne sera pas récompensés avant un certain temps. Et ce qui passe dans un livre, ne va pas forcément se retranscrire très bien par la suite à l'écran.
Il s'agit d'une des rares remarques mitigées que je peux dresser contre la série, avec la sur-utilisation de scènes de sexe gratuites (mais là on n'y peut pas grand-chose, c'est sur HBO après tout, s'en offusquer reviendrait à se plaindre d'avoir des adolescents niais sur Disney Channel).
Passons enfin à la dernière scène de l'épisode. Allons droit au but : Eddard Stark se fait exécuter par le roi Joffrey, sous les yeux de ses deux filles. La scène est choquante à plus d'un niveau, déjà tout simplement parce qu'avec ce retournement de situation, G.R.R. Martin nous fait un "Psychose" : vous savez, quand au début du film de Hitchcock Janet Leigh est prise pour le personnage principal du film avant de se faire rapidement tuer dans la fameuse scène de la douche. Difficile de reproduire un pareil évènement dans une série télévisée : elles demandent plus d'investissement que le film pour le spectateur moyen, et elles exigent de fidéliser un public par le biais d'un ou plusieurs forts leads.
La série nous présente depuis le premier épisode Eddard Stark comme étant le protagoniste principal. Toute l'intrigue principale et la plupart des intrigues secondaires partent de lui ou de sa famille. Le personnage est interprété par Sean Bean, un acteur assez connu et respecté et qui est probablement le visage le plus familier de la distribution. Le tuer avant la fin de la première saison, au bout de neuf épisodes, est spectaculaire. C'est pratiquement inédit dans l'histoire de la télévision.
C'est d'autant plus choquant que le personnage avait des portes de sorties. Cersei s'était arrangée, en manipulant Sansa, pour qu'Eddard Stark reconnaisse Joffrey en tant que roi légitime et en échange il devait s'engager au Mur. On nous montre avant cette scène Robb remporter la victoire contre les Lannisters et prendre Jaime otage, situation idéale pour un échange de prisonniers. A ce stade-là, on n'imagine pas qu'Eddard Stark ne puisse retourner auprès des siens. Et pourtant, il meurt.
Ce qui rend la décision de Joffrey de l'exécuter tout de même encore plus cruelle et repoussante. Toute la scène prend à vrai dire une ampleur splendide considérant tous les scénarii qui auraient dû logiquement conduire à la liberté d'Eddard Stark. Même Cersei, qui est censée être la principale antagoniste dans la série, panique et presse son fils de changer d'avis. Sansa, trahie et perdant sa naïveté, hurle. Eddard, qui avait aperçu son autre fille Arya parmi la foule, se résigne à son destin mais pas avant de s'assurer que Yoren a compris son message et est allé la chercher pour lui cacher ce spectacle.
La scène est terrible et après la décapitation (avec Ice, l'épée d'Eddard Stark), l'écran noir laisse le spectateur hagard. Je sais que ce retournement a causé un tollé auprès des spectateurs, mais je l'adore. Eddard Stark était pourtant mon personnage favori. J'aimais sa droiture et son honneur. J'aimais sa personnalité rêche et sérieuse. J'aimais sa compassion et ses principes. J'adorais ses scènes avec ses enfants, notamment avec Arya. C'était un personnage sain dans un univers malsain, choisissant encore et toujours d'agir selon ses convictions et sa morale, même quand c'était tactiquement stupide, et je ne pouvais pas lui en vouloir pour ça, parce qu'il était admirable.
Sean Bean l'a interprété avec sobriété et classe, le faisant évoluer subtilement, du Seigneur implacable mais juste de sa première apparition, à l'homme affaibli, épuisé tant physiquement que moralement, dont le dernier acte est de préférer son amour pour sa famille à son honneur. Il me manquera.
Sur ce, et en attendant un final spectaculaire ...
NOTE : Taste My Tears. Taste My Tears, Michael.